Idées de lecture avant Cannes

Je suis une « movie buff », une dingue de cinéma qui va voir le plus de films possible et adore en discuter, avec une prédilection pour les oeuvres intenses, à la fois ambitieuses sur le fond et sur la forme -Les Affranchis de Martin Scorsese, Fight Club de David Fincher, La leçon de piano de Jane Campion… Pour moi qui collectionnais les fiches de Première dans mon adolescence, rien de plus passionnant que de chroniquer des ouvrages sur le cinéma pour le supplément Festival de Cannes du Journal du dimanche paru hier. Quatre bouquins à s’avaler en un week-end, c’était une gageure mais on a connu pire comme pensum.

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A première vue, Le Festival n’aura pas lieu de Gilles Jacob (Grasset) m’a paru léger, une fantaisie vite écrite et vite lue, et pourtant la somme d’anecdotes et de portraits qu’il contient témoigne d’une vie consacrée au cinéma. Ava Gardner, belle plante de Caroline du Nord façonnée en diva, je l’avais déjà approchée dans la biographie d’Elizabeth Gouslan, Ava la femme qui aimait les hommes (Robert Laffont). Le récit de l’épique édition 1968 du Festival, je l’avais lu dans l’autobiographie de Roman Polanski, Roman par Polanski (Robert Laffont), que je relis régulièrement tant elle me fascine et me bouleverse. J’ai découvert les dragons Louella Parsons et Hedda Hopper, dont j’ignorais à quel point elles faisaient et défaisaient les réputations à Hollywood dans les années 50. Robert Mitchum a failli avoir la carrière brisée à cause d’elles après l’épisode Simone Silva, une pin up qui s’est dénudée dans ses bras pendant le Festival en 1954 (la pauvre n’a pas eu de seconde chance et mourra tristement trois ans plus tard).

Parfois, le roman prend des détours loufoques façon Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, ce pavé suédois dans lequel un homme ordinaire rencontre tous les grands chefs d’Etat du XXème siècle. Ici, Charles de Gaulle fait soudain son apparition, de retour de Baden Baden. L’intérêt pour l’histoire? Aucun, mais Gilles Jacob s’amuse, sans perdre le fil de son récit qui se termine sur un inattendu happy end teinté de mélancolie, reflet sans doute de son état d’esprit.

En tête à tête avec Orson, recueil des conversations d’Orson Welles avec son ami Henry Jaglom (Robert Laffont), s’avère parfaitement complémentaire de l’ouvrage de Gilles Jacob : mêmes protagonistes, même époque, une plongée dans les coulisses de l’usine à rêves pas toujours reluisantes. Louella Parsons et Hedda Hopper sont toujours là, et l’amie Carole Lombard, disparue trop tôt, Elia Kazan, à jamais terni par sa trahison du temps du maccarthysme, le Festival de Cannes aussi, et même Jack Lang, de qui dépend le financement de son dernier projet, une adaptation du Roi Lear… C’est une conversation à bâtons rompus, sans filtres, et Orson Welles s’en donne à coeur joie dans les potins. Mais on sent surtout un génie à bout de forces, miné par les soucis de santé, las de monter des projets qui n’aboutissent pas, plus occupé à lancer des anathèmes sur les autres qu’à voir en face ses propres échecs. A suivre, Spike Lee, 80 films à scandales, Anjelica Huston, Pierre Richard et Michelangelo Antonioni.

Les deux autres livres sont très différents. Spike Lee de Karim Madani (Don Quichotte) est une exégèse façon hip hop de l’oeuvre du réalisateur afro-américain. On n’apprendra pas grand chose sur sa biographie mais beaucoup sur le contexte politique, sociétal, musical de ses réalisations. Si on se noie un peu dans les références, le livre donne envie de revoir ses films, surtout Do The Right Thing qui résonne étrangement dans le contexte actuel de l’Amérique d’Obama.

Quel scandale! de Guillaume Evin (La Martinière) ne se lit pas d’une traite. C’est un beau livre sur 80 films qui ont marqué l’histoire du cinéma par leur contenu à haute teneur polémique. Je ne les ai pas tous vus, et ce n’est pas la même chose de découvrir l’audace des Valseuses à leur sortie que 20 ans plus tard, mais je retiendrais parmi ceux qui m’ont le plus marquée tous ceux de Stanley Kubrick : Les sentiers de la gloire, Orange Mécanique et Eyes Wide Shut que je n’ai pas compris à la première vision. Aimer un film malgré le malaise qu’il suscite, c’est la raison d’être du scandale dans l’art. D’après l’auteur, la palme du film le plus transgressif de l’histoire du cinéma revient à L’Âge d’or de Luis Bunuel, censuré à sa sortie en 1930 et jusqu’en 1981.

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J’aurais pu traiter d’autres livres, tant l’actualité est riche à cette période de l’année. Dans deux registres très différents, Anjelica Huston et Pierre Richard publient leur autobiographie (Suivez mon regard, Editions de l’Olivier, Je sais rien, mais je dirai tout, Flammarion). A l’occasion de la rétrospective Antonioni à la Cinémathèque française, Flammarion publie le catalogue de la très belle exposition consacrée au cinéaste italien, où l’on retrouve de nombreuses lettres et les influences picturales de ce grand formaliste. Je n’ai pas lu Nabab de Sophie Dacbert (Robert Laffont), chroniqué par Danielle Attali, la rédactrice en chef culture du JDD, mais il a l’air de valoir son pesant d’anecdotes sur le cinéma français.

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