D’après la Fédération nationale de la coiffure, le chiffre d’affaires de la profession était en baisse de 2,1% en volume et de 1,4% en valeur au premier semestre 2013.
C’est pourquoi le secteur est très chatouilleux face aux initiatives susceptibles de concurrencer leur activité. Il y a quelques mois, Christophe-Nicolas Biot ouvrait le Bar des coloristes à Paris, un lieu destiné au grand public qui permet de choisir sa coloration à réaliser à domicile (signée Wella, la marque du groupe Procter & Gamble dont il est le coiffeur expert), tout en bénéficiant du conseil d’un vendeur. Un concept hybride entre la grande distribution et le salon de coiffure, qui a suscité un tollé chez les professionnels sur l’air de « Que va-t-il nous rester si on l’on perd notre valeur ajoutée en coloration? ».
Christophe-Nicolas Biot en remet une couche avec un nouveau concept, « la coupe mémoire », une coupe à sec qui « permet d’espacer les rendez-vous en salon de trois mois ». Ce geste technique offre une bonne pub à sa boutique de la rue Saint-André-des-Arts à Paris mais envoie aussi un message aux consommatrices qui ont tendance à réduire leur fréquentation du coiffeur.
Les pros du sèche-cheveu devraient encore avoir un coup de chaud en découvrant les nouveautés proposées par L’Oréal Paris dans les prochains mois. La marque issue des recherches du chimiste Eugène Schueller va lancer sous la gamme Préférence -celle qui a initié le slogan « Parce que je le vaux bien »- un kit pour réaliser soi-même son balayage grâce à une brosse en forme de trident qui sépare facilement les mèches. Une technique plutôt réservée aux blondes ou aux châtains (c’est d’ailleurs la très blonde Blake Lively qui sera l’égérie de ce lancement). Pour les brunes, qui doivent manier la décoloration avec précaution, L’Oréal Paris a conçu un autre outil à placer au bout du doigt comme un dé à coudre, qui permet d’apporter quelques touches plus claires sur la chevelure.
Dans la lignée du succès de la Gelée éclaircissante de Garnier, la marque va également lancer sous la bannière Casting un gel effet retour de plage, dont l’intensité est renforcée par un séchage au soleil ou au sèche-cheveu. Autant de gestes qui ne sont plus la chasse gardée des professionnels, car comme l’a souligné Christophe Robin, expert coloration pour L’Oréal Paris, lors de la présentation des nouveautés à la presse : « Les tutoriaux sur Youtube ont donné un coup de pied aux fesses aux coiffeurs enfermés dans leur technique. Aujourd’hui toutes les femmes peuvent être expertes, et veulent être libres de leurs choix. »
Le phénomène ne touche pas seulement les salons de coiffure. De l’épilation à la minceur en passant par la manucure ou le soin du visage, les marques proposent des alternatives aux solutions en instituts. Toujours chez L’Oréal Paris, on annonce un kit de vernis à ongles qui promet 12 jours de tenue grâce à un gel fixateur de couleur à la manière d’une manucure semi-permanente (j’ai vérifié, ça marche mieux quand on ne fait rien de ses dix doigts). Braun, qui vient de s’offrir l’actrice Jessica Alba comme égérie, propose un coffret permettant de réaliser un rituel complet de massage, épilation et nettoyage de la peau dans le confort de sa salle de bains, sans passer par l’esthéticienne.
Pour autant, la crise autrement plus violente en Europe du Sud n’a pas empêché les Espagnoles de confier leurs ongles et leurs poils aux instituts d’esthétique. « C’est le petit luxe que je garde » m’expliquait une amie établie à Madrid au plus fort de la crise financière, alors qu’elle avait réduit sa consommation de cosmétiques par ailleurs. Peut-être que les innovations des marques accompagnent un mouvement général de sophistication des usages en matière de beauté, mais ne remplaceront pas l’expertise des professionnels. A eux d’innover à leur tour plutôt que de se plaindre d’un univers de concurrence qui évolue plus vite qu’eux.
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